Quand ce n’est pas bruyant, mais que ça fait mal quand même
Il existe des formes de violence qu’on ne remarque pas tout de suite. Pas parce qu’elles sont moins graves, mais parce qu’elles se faufilent autrement.
Elles ne laissent pas de marques visibles. Elles ne crient pas. Elles ne claquent pas de portes. Parfois, elles ressemblent même à de l’amour. Du moins, au début.
Certaines personnes vivent dans des relations où, petit à petit, quelque chose se dérègle. Elles ne savent pas exactement quand c’est arrivé. Il n’y a pas eu un moment clair, un événement qu’on pourrait raconter comme déclencheur. Juste une série de petits ajustements.
De compromis qui deviennent des habitudes. De silences qu’on choisit pour éviter une tension. De vêtements qu’on remet dans le tiroir parce qu’on sait que « ça ne passera pas bien aujourd’hui ». De textos auxquels on répond plus vite, parce qu’on sait que sinon, il posera des questions.
C’est souvent comme ça que le contrôle coercitif s’installe. Il se construit dans les détails, dans le quotidien. Ce n’est pas une explosion, c’est une infiltration. Une forme de domination qui ne se dit pas, mais qui se fait sentir. Il ne lève peut-être jamais la main. Mais il lève la voix. Ou les sourcils. Ou simplement, il vous fait sentir que vous avez mal agi. Que c’est vous le problème. Que vous êtes « trop émotive », « pas assez raisonnable », « toujours en train d’exagérer ».
Avec le temps, cette violence-là fait perdre ses repères. On doute de son jugement. On devient plus prudente dans ce qu’on dit, ce qu’on fait, ce qu’on ressent. On se surveille. On adapte nos gestes, nos mots, notre ton. Pas parce qu’on y est forcée ouvertement, mais parce que les conséquences, même invisibles, sont bien réelles. Une froideur. Un regard dur. Une remarque blessante. Ce genre de climat peut durer des années. Et comme il ne ressemble pas aux images classiques de la violence, plusieurs ne s’y reconnaissent pas. Elles se disent que « ce n’est pas si pire ». Qu’il y a pire ailleurs. Qu’elles sont peut-être trop sensibles. Ou encore qu’elles ont choisi cette relation, alors qu’il faut l’assumer.
Mais reconnaître le contrôle coercitif, c’est ouvrir les yeux sur une réalité bien documentée, même si elle est encore peu nommée. C’est comprendre que la violence conjugale ne se limite pas aux coups. Elle peut être psychologique, verbale, économique, et surtout : invisible aux autres.
Et si vous vous êtes reconnue dans ces lignes, même un peu, sachez que vous n’êtes pas seule. Il n’est pas nécessaire d’être certaine pour aller chercher de l’aide. Il n’est pas trop tard pour en parler. Parfois, une simple conversation, dans un lieu sécuritaire, peut suffire à remettre un peu de clarté là où tout semble flou.
Au Havre des Femmes, nous accueillons, écoutons et accompagnons des femmes, avec ou sans enfants, qui vivent ce genre de situation. Sans jugement. Sans pression. Juste avec l’idée qu’on mérite toutes de se sentir en sécurité. Surtout chez soi.